Citation :
Je pense à JEFF qui serait heureux de voir ce spectacle
Merci de penser à moi: et en ce jour, je pense également à vous, amis catalans. En te lisant, un souvenir me revient, le voici :
C'était en 73. Mon grand-père m'avait amené chez vous, en pays Conflent. La Têt au niveau de Olette était trop grosse pour moi, j'allais me noyer. Alors, avant qu'une catastrophe n'arrive, retraite stratégique vers un joli ruisseau affluent, dans lequel je m'étais amusé comme un fou...
Puis, il m'a conduit à un petit village perché au bout du monde, juste au dessus d'Olette qui s'appelle Oreilla. Ce village est magnifique, posé comme un balcon avec le Canigou en face. Un havre de tranquillité et de paix. Et pourtant...
Je pensais qu'il voulait encore me montrer un rec dont il avait le secret, avec 6528 farios au mètre. Et bien non, ce n'était pas ça. Et même pas ça du tout !
Sur un mur en pierres, une plaque blanche, de tout juste 1m². Dessus, une liste de noms, gravés.
"Ahou papé, dix-huit noms ! Pour un si petit village !
-Et oui, penjarol. Dix Huit. Il y a même mon oncle.
-Ton oncle ?
-Oui, le frère de ma mère. Je ne l'ai pas connu. Ma mère est née ici, puis c'est mariée avec
mon père, qui lui aussi a fait la guerre. Mais il a eu plus de chance, sinon, je ne serais pas né.
-Ah ben marde, alors !"
Après avoir reçu dans le badaboum un 45 fillette en m'en faire claquer les dents, faisant suite à ma puissante réflexion métaphysique, il reprit :
Quand j'avais à peu près ton âge, mes parents m'ont amené ici. C'était un village de veuves, toutes les femmes étaient en noir.
-Ils... ils sont tous morts ?
-Beaucoup. Tu vois, il y a trois fratries de trois frères, et deux fratries de deux frères. La guerre n'a pas tué que des hommes, elle a tué aussi ce village. Seulement six ont pu être ramenés et reposent ici.
-Ah ben mar... zut alors !
-Comme tu dis. Il parait que c'est le village qui a payé le plus lourd tribu à cette foutue guerre. 18 morts pour moins de 150 habitants à l'époque."
Ce matin, en ouvrant le journal, j'ai lu :
"Au pied des Pyrénées, Oreilla... Le village le plus meurtri de France." J'ai lu bien entendu l'article.
Comme quoi, les souvenirs... et puis, c'était un époque où il n'y avait pas d'ombles chevaliers.
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Jeff
Dame fario : Si tu ne finis pas dans les temps, tu finiras dans le lac.